TENIR
RéSUMé
"TENIR part d’une pratique méditative inspirée de la magie du chaos ou «chaos magick». Courant spirituel assez récent, celui-ci utilise les états modifiés de conscience ou «gnose» pour «modeler la réalité». Par curiosité, je me suis essayée à cet état de gnose que je travaillais en observant longtemps la flamme d’une bougie. Partir de cette pratique m’a permis de laisser émerger une danse formée d’un continuum d’images inconscientes."
"En filigrane, mon corps peut évoquer la sensation, les images, d’une société policière répressive grandissante que j'ai désormais besoin de tordre, modifier. Avec TENIR, je vais vers une digestion intime du politique, où les outils de métamorphoses et de transformation deviennent une nécessité. Avec, toujours, le besoin de se réapproprier le temps, de se réapproprier son corps."
"Si je devais décrire l’endroit où cette pratique de gnose m’a mené pour l’instant, je dirai à une forme de méditation musclée, où la danse lente qui s’en est dégagée est extrêmement exigeante pour le corps et demande d’utiliser sa force musculaire de façon presque constante. Le travail de ce solo éveille en moi une profonde curiosité pour ce que le concept de «force» évoque en nous :
Quelles relations construisons-nous avec la notion de force ? A quoi et comment décidons-nous de l’employer ?"
TENIR est une pièce pour une danseuse et un musicien live et se jouera pour 50 spectateur.trices maximum. Celleux ci seront invité.es à s'installer dans un dispositif scénographique construit pour créer une sensation d'intimité, de proximité et d'attention aux détails. "
Scénographie
Intime et sans dominations. C’est ainsi que nous avons travaillé l’espace. Le public est proche, très proche de la danse. Et bas, presque au sol et presque en cercle, l'intimité se teinte de gêne et parfois de peur quand la danse grandit et se fait puissante. Les spectateur.rices n’ont pas tous accès aux mêmes points de vue, certains détails resteront invisibles pour la majorité si ce n’est dans l’expression de ceux et celles qui les voie. Les regards se touchent et se croisent et c’est comme proposer une double lecture du spectacle. L’espace est sans frontières : le béton ciré des assises se confond avec le gris mat du sol, les régies son et lumières sont sur le même ligne que le public, les concentrations et les corps ne font qu’un créant un paysage inégal. L’espace est celui urbain des luttes et celui minéral de la contemplation. Au cœur de ce gris, très proche des gens, une flamme tenace, résiste et oscille jusqu’au bout en parallèle de la danse. C’est la danseuse qui l’éteindra comme une étoile dans sa main. Une énergie vient du dessous, de l’envers et ne demande qu’à circuler.
En fait de décor, ce sont des assises pour les spectateurs que je propose au plateau. L'espace formé par les assises est englobant et incite à la proximité avec le corps et la danse. Il est ainsi proposé aux spectateurs une expérience immersive où l'intimité se teinte de gêne et parfois de peur quand la danse grandit et se fait puissante. Les sujets abordés sont politiques et touchent autant à l'intimité brute qu'aux sujets de société tels que les violences policières ou faites aux femmes. Le lien entre ces discours se fait par le microscopique et le macroscopique qui s'alternent. La scénographie, empreinte d'un paysage de vallée, incite à la contemplation de la lenteur de la danse et évoque aussi un terrain de squate- park faisant le lien avec la ville, terrain des manifestations.
Souhaitant créer un lien fort entre les spectateur.trice.s et l’espace de la chorégraphie, nous avons pensé un dispositif scénographique pour un maximum de 50 spectateur.trices. L’idée principale est de créer un espace unique, un espace commun où la danse et l’intime cohabitent dans un dialogue continu. On cherche à créer une sensation d’intimité avec le mouvement et interpeller directement le public.
Une attention particulière est portée aux détails et frémissement parfois presque imperceptibles de la danse. L’espace doit aider le public à créer cette disponibilité physique pour recevoir ces micro-signaux en plaçant le public dans un espace accueillant, inclusif, confortable et concernant. C’est pourquoi l’espace sert de cocon à tous.tes le temps de la représentation.
Chaque spectateur.trice est invité.e à choisir sa place dans l’espace. Chaque point de vue offre une vision différente de la pièce. Chaque place possède ses avantages et ses défauts. Certaines choses ne seront visibles que par quelques personnes et les autres ne pourront que les deviner face à l’expression sur leurs visages. Cet espace presque en cercle invite chacun.e à regarder la danse et regarder les autres, comme pour une double lecture de ce qu’il se passe. Iel choisit entre trois types d’assises : basses (à même le sol où on peut s’assoeir ou s’allonger), moyennes, et haute (hauteur de chaises ou légèrement plus haut). Il n’y a aucune place plus haute que ça car nous souhaitions que le public se sente concerné et comme « avec la danseuse » et non dans une position de domination (la dans eest en grande partie au sol), ce qui aurait donné un sens complètement différent à la pièce. Les spectateur. trices constituent elleux-mêmes un paysage dans le paysage.
Les régies lumière et son se situent aussi sur la ligne du public, parmi eux. Dans cette pièce tout le monde est au même niveau, resserrant toutes les concentrations et les regards. Cette place qu’on donne aux régie illustre aussi le lien intime que le son et la lumière ont avec la danse. La création sonore en particulier se fait en live et la proximité entre les deux interprètes se lit et se sent d’autant plus fortement.
Les modules d’assise sont tous différents et ont l’aspect du béton ciré. Leur couleur se fond avec celle du tapis de danse gris comme un seul est même espace sans frontière. Le tapis lui-même est mat à l’endroit de la danse, créant comme une impression de froid. Il parle de l’espace aride urbain. Sous les assises on peut distinguer une peinture orange fluo qui se laisse parfois sentir par réfraction de la lumière ou quand on est assis très bas. Elle fait écho au « dessous » de la même manière qu’il est traité par les costumes dont on découvre les envers au cours de la pièce. Cette couleur nous parle aussi d’une énergie qu’il y a sous la terre et que l’on vient chercher. de la même manière que la danseuse vient chercher un de ses costumes, et son briquet plus tard, sous le sol de la scène.
Un dispositif supplémentaire autour du feu crée une symétrie dans l’espace et le temps. la flamme est là, vivace et impétueuse à l’entrée du public. En même temps que le public se dépose et commence à rentrer dans la pièce, la flamme s’amenuise, se fait tenace. Cette flamme va brûler presque jusqu’au bout de la pièce. Elle va « tenir » autant que la danse tient. Elle va devenir flammèche mais refuser de s’éteindre comme le symbole d’une lutte qui même étouffée ne s’arrêtera pas. Elle est petite mais dangereusement proche des spectateur.ices. Puis, quand on ne le remarque pas elle s’éteint et c’est dans la main de la danseuse qu’elle va renaître. La flamme comme une étoile au creux de la paume s’est laissée apprivoiser. Elle brille comme une âme dans l’obscurité et, la serrant dans sa main, la danseuse l’éteint enfin.
L'espace est un terrain unique, entre skatepark et paysage minéral, pour une sensation immersive et intimiste à la performance.
Équipe de création
Eva Aubigny (chorégraphie et interprétation), Thibaud Langenais (création sonore), Louise Rustan (lumières), Gabrielle Marty (costumes), Léa Férec Pourias et Zoé De Sousa (regards extérieurs), Sarah Bisson (scénographie).
Liens utiles
http://evaaubigny-organtumult.fr/
https://www.cieledoubledesclefs.org/organ-tumult/
Année(s) de création
2023 - 2024